Paul Guillon - Images et poésie - Traductions - Bohuslav Reynek
Bohuslav Reynek
Poèmes :
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A l’aube en novembre
Moins de feuilles, plus d’étoiles
papillotent dans les arbres.
Le rameau de la vie
intérieure a forci.
Les racines de la beauté cachée
boivent longuement aux eaux de l’âme.
Réconciliée et condensée scintille
la tristesse de la solitude, le fruit du désir,
la maison blanche du renoncement
avec ses murs de givre là-haut.
Le fouet de l’hiver et ses nœuds d’étoiles dans les ténèbres
me force à entrer.
© Setba samot (Semence des solitudes), 1936.
Trad. Paul Guillon et Klára Jelínková,
Conférence, printemps 2007.
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Le gel
Les collines sont chauves,
la neige brûle.
Dans le ciel se pourchassent
comme des putois les étoiles jaillissantes.
L’ombre se serre contre la maison,
gémit en cachette.
Les lèvres des vergers et des jardins
bleuissent.
Nuit glaciale, claire,
nuit des rois.
Qui le peut, lis, étonné,
les paroles ardentes.
© Mráz v okně (Le gel à la fenêtre), 1955.
Trad. Paul Guillon et Klára Jelínková,
Conférence, printemps 2007.
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Biographie :
Né le 31 mai 1892 à Petrkov, petit village de Moravie, Reynek veut d’abord
devenir forestier. Son père l’en dissuade et l’envoie faire des études à
l’École technique supérieure de Prague. Peu motivé, il revient sans diplôme au
manoir familial pour y vivre en fermier. Il fait alors un premier voyage en
Bretagne, à Concarneau, à l’âge de vingt et un ans, pour y étudier la peinture.
De retour au pays il se lie au petit groupe rassemblé autour de l’éditeur
catholique Josef Florian qu’il soutient financièrement dans ses projets. Il
publie plusieurs recueils, Žízne (Soifs, 1921), Smutek země
(La tristesse de la Terre, 1924), Rybí šupiny (Ecailles de poissons,
1922), Had na sněhu (Le serpent sur la neige, 1924) et Rty a zuby (Lèvres et dents, 1925).
En 1926, il épouse la poétesse française Suzanne Renaud dont il a traduit
en tchèque le premier recueil, Ta vie est là. A partir de cette date et jusqu’à la
guerre, il partage son temps entre Petrkov et Grenoble. Empêché de retourner en
France pendant la seconde guerre mondiale, il subit ensuite les tracasseries du
régime communiste qui détruit ses livres et l’interdit de publication. Même
s’il échappe à la prison, il est néanmoins chassé plusieurs fois de chez lui.
Après bien des supplications, il obtient finalement le droit d’être locataire
d’un recoin de son manoir. Son œuvre poétique et plastique va désormais trouver
son unité dans la simplicité de son univers quotidien, limité à son manoir et à
ses alentours. D’une grande sensibilité aux détails de la réalité immédiate –
la fenêtre, son jardin, la clôture... – elle fait apparaître en eux, comme naturellement, des motifs
bibliques : crucifixion sur sa porte, hiver pauvre comme Job, purgatoire dans le poêle...
Et peu à peu, sa solitude, l’ascétisme de sa vie pastorale autant que la qualité de son
œuvre font de lui une sorte de saint que viennent visiter de nombreux jeunes. Ce
n’est pourtant qu’en 1969 qu’il est autorisé à publier de nouveau : Podzimní
motýli (Les papillons d’automne), de 1946, est réédité, incluant désormais
deux autres recueils, Sníh na zápraží (La neige sur le seuil, poèmes des
années 1945-1950) et Mráz v okně (Le gel à la fenêtre, poèmes des
années 1950-1955). Il meurt le 28 septembre 1971. Son treizième et dernier
recueil, Odlet vlaštovek (Le départ des hirondelles) ne fut édité qu’en
1989. Ses écrits poétiques complets (Básnické spisy) ont paru en 1995.
Bibliographie :
- Bohuslav Reynek, Le Serpent sur la
neige, traduction et commentaire de Xavier Galmiche, éd. bilingue, préface de Sylvie
Germain, Romarin – Les amis de Suzanne Renaud et Bohuslav Reynek, 1996, épuisé.
- Bohuslav Reynek, La Lune et le
givre, édition bilingue, Romarin – Les Amis de Suzanne Renaud et Bohuslav Reynek, 2006.
- Quelques poèmes dans
l’Anthologie de la poésie tchèque contemporaine. 1945-2000, Choix, présentation et traduction
de Petr Král, Poésie/Gallimard, 2002.
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